J’ai une relation ambivalente, qu’on pourrait même qualifier de tumultueuse, avec les médias sociaux. Certains jours, je les adore, alors que d’autres jours, j’abolirais l’idée même des médias sociaux tant ils me mettent en colère. Chaque plateforme m’inspire tout un lot d’émotions contradictoires : l’euphorie et l’ennui, l’acceptation et l’insécurité, le bonheur et la fureur.
Je consulte mes comptes Instagram et Twitter environ 20 fois au cours d’une journée moyenne, à l’affût de tout nouveau commentaire ou de toute mention « j’aime ». Par contre, le retrait d’un abonné me blesse. Pourquoi m’as-tu abandonnée, Cochonnet? Je ne suis pas assez bien pour toi? Ambiance sonore de violons tristes et de pluie battante.
Si vous présentez un trouble anxieux ou tout autre problème de santé mentale, les médias sociaux peuvent s’avérer une arme à double tranchant. Parcourir ces applications peut être délicat, et parfois périlleux. J’en ai discuté avec Natalie, étudiante de Salford qui avoue être accro à Instagram.
« Un soir, j’étudiais seule, et je suis tombée sur une photo de deux amis qui prenaient un verre sans moi dans un pub du coin. J’en ai été bouleversée, et mon esprit s’est enflammé. Je n’arrivais pas à maîtriser les pensées angoissantes. Pourquoi ne m’avaient-ils pas invitée? Avais-je fait quelque chose de mal? J’ai à peine fermé l’œil de la nuit, et j’étais épuisée le lendemain. Quelques semaines plus tard, j’ai appris que cette photo avait été prise plusieurs mois auparavant, pendant que j’étais en vacances. Je me suis sentie ridicule de m’être tourmentée de la sorte. »
L’histoire de Natalie illustre ce qui peut se produire si vous prenez l’anxiété sociale et y ajoutez un peu de FOMO (fear of missing out, ou la peur de manquer quelque chose). L’absence de description au sujet de la photo publiée en ligne a suscité de la confusion et de l’anxiété chez Natalie. Les esprits anxieux ont tendance à trop réfléchir, et parfois, les médias sociaux semblent accentuer cette particularité et empêcher une réflexion saine et rationnelle.
Un autre aspect préoccupant du monde virtuel réside dans sa nature addictive. Les utilisateurs peuvent inconsciemment développer une dépendance aux médias sociaux à titre de source de soutien et de réconfort. Dans son célèbre discours sur les risques de la dépendance aux médias sociaux, Simon Sinek explique que l’utilisation des médias sociaux entraîne la libération de dopamine dans le cerveau, la même substance chimique qui déclenche les signaux de plaisir associés à l’alcool, au tabac ou aux paris. Toutefois, contrairement à ces substances, les médias sociaux ne font l’objet d’aucune restriction en fonction de l’âge ni d’aucune mise en garde en matière de santé.
Comme la technologie est relativement récente, on ignore quelles en seront les conséquences à long terme. Les parents devraient toutefois être aux aguets. J’ai discuté avec une mère inquiète parce qu’elle craignait que son adolescent atteint de trouble obsessionnel-compulsif abuse de son téléphone pour obtenir des conseils.
« J’aimerais qu’il parle de ses problèmes à ses amis ou à sa famille. Il passe beaucoup de temps dans sa chambre, seul avec son iPhone ou sa tablette. »
De nombreux adolescents se tournent vers les médias sociaux pour trouver du soutien émotionnel. Les adolescents et les adultes atteints de troubles anxieux ont besoin de réseaux de soutien, mais bien que les médias sociaux apaisent de façon temporaire le sentiment de solitude, ils ne peuvent se comparer aux interactions en personne. En fait, selon le Child Mind Institute, la fréquentation excessive des médias sociaux peut causer une perte d’estime de soi et représenter un obstacle à une bonne communication directe.
Avant de céder à la panique et de mettre le feu tous en cœur à nos téléphones intelligents, prenons un instant pour envisager l’autre côté de la médaille. Le portrait est-il aussi sombre, ou y a-t-il aussi des avantages aux médias sociaux pour les personnes qui présentent des troubles anxieux.
Personnellement, je crois qu’il y a de grands avantages à entretenir des relations sociales en ligne. Les médias sociaux ont grandement contribué à mon rétablissement après l’épisode que j’ai connu en 2013, et ils continuent d’avoir un effet positif sur moi. J’en ai d’ailleurs fait mon métier! (We’re All Mad Here, mon blogue sur la santé mentale, a connu le succès grâce aux partages de liens sur les médias sociaux et a remporté des prix. Venez y jeter un coup d’œil!)
À un moment où je me sentais seule, les médias sociaux m’ont aidée à comprendre que d’autres personnes vivaient la même chose. Sur Twitter, des mot-dièse liés à la sensibilisation aux troubles mentaux et au soulagement de l’anxiété m’ont permis d’entrer en contact avec une foule de personnes aux prises avec des troubles semblables. J’ai vécu plus de dix ans dans la honte pour être atteinte d’anxiété sociale, mais en ligne, des gens en discutaient ouvertement, sans gêne. J’ai compris que je n’étais peut-être pas anormale, après tout. Avec le recul, je constate maintenant que j’ai fait la connaissance de gens incroyables (tant en ligne qu’en personne) grâce aux médias sociaux.
La sagesse nous incite à la modération. Si vous êtes atteint d’un trouble anxieux, Twitter, Instagram et Facebook peuvent aggraver votre état et vous amener à trop réfléchir. Ces outils addictifs ne devraient pas représenter votre principale source de soutien émotionnel.
Cependant, lorsque votre entourage dort à poings fermés et que vous êtes seul dans l’obscurité, allumer votre téléphone intelligent et créer des liens avec des personnes comme vous, partout dans le monde, peut vous offrir du réconfort. Il est rassurant de savoir qu’on n’est pas seul.
Prendre garde aux pièges des médias sociaux, limiter votre utilisation quotidienne et sortir pour avoir de véritables interactions avec de vraies personnes pourrait vous aider à faire en sorte que l’expérience demeure positive.
Si vous avez l’impression que les médias sociaux accentuent votre anxiété, consultez votre médecin ou un professionnel spécialisé en santé mentale.